Lorgues
La Font Couverte

 Alors, les templiers ou les cisterciens du Thoronet ?

Le contexte historique plaide en faveur des templiers. Ils étaient le principal seigneur direct de Lorgues. Ruou était leur réserve. Ils exploitaient le sol de Lorgues sous le régime de la tenure (3). Lors de la suppression de l'ordre, on comptait à Lorgues 138 tenanciers ; 54 étaient des hommes du Temple (4), c'est à dire des paysans que la commanderie avait, elle-même pourvus d'une tenure. Par ailleurs, le protocole concernant Lorgues , signé en 1305 entre le comte de Provence et l'abbaye, confirma aux cisterciens du Thoronet le droit à l'eau d'arrosage nécessaire à leurs besoins. Ce qui laisse sous-entendre qu'ils n'étaient pas propriétaires direct des fontaines. De plus, on ne connaît, en dehors de l'abbaye, aucune construction médiévale des cisterciens du Thoronet.

A l'inverse , l'examen archéologique du monument plaide en faveur d'une construction d'origine cistercienne. Sa savante architecture et le soin avec lequel elle fut traitée sont à l'opposé de la rusticité templière. Comme à l'abbaye, le matériau est un calcaire rhétien dont la taille présente la même technique et la même précision. Les gabarits qui ont servi à la construction de la fontaine : bandeau extérieur, corniche supérieure, corbeaux intérieurs, sont les mêmes que ceux utilisés pour la construction de l'abbaye (5).

 

le gabarit du bandeau de la fontaine sur celui de la salle du "trésor " de l'abbaye du Thoronet.

D'autre part, un détail architectural oriente vers une date de construction antérieure à 1209 (6). Il s'agit du départ médian des deux arcs jumeaux des façades longues qui est fait de claveaux séparés. C'était pratique courante jusque dans le deuxième tiers du XIIe siècle, mais le procédé fut progressivement remplacé par l'emploi d'un socle commun aux deux arcs, le tas de charge.

(3) Une tenure est une terre concédée par un seigneur à un roturier qui jouissait de son exploitation mais dont la propriété demeurait au seigneur direct auquel était dû un cens.
(4) Les hommes du Temple étaient astreints à payer un cens en numéraire plus important que les tenanciers libres, à résider dans le village et à porter l'insigne du Temple sur leurs vêtements et leur maison. Il en reste encore des traces dans le vieux Lorgues.
(5) Les deux premiers gabarits ont leurs correspondants dans la salle dite " du trésor ". Le gabarit du corbeau épouse la moulure de l'imposte des piliers de l'église.
(6) C'est à dire avant la possession de Lorgues par l'abbaye du Thoronet.


 

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