Lorgues
Carpattes

 
Carpates prit donc la route après la guerre pendant près d'un demi siècle mais pour aller où ? Sans doute n'avait-il pas de but déterminé. On peut légitimement se demander s'il fuyait quelque chose, s'il n'avait que ce moyen pour rendre supportable le souvenir des années terribles, si la guerre n'avait fait que révéler une difficulté personnelle à vivre attaché. On peut aussi penser que son périple interminable et sans boussole fut un témoignage silencieux. Mais comment témoignait-il ?


"Chaque fois qu'il passait ici, il se rendait au monument aux morts et, immobile, restait au garde-à-vous de longs moments. A plus forte raison si c'était un jour de cérémonie, manière de dire qui il était, d'imposer une reconnaissance. Sur la photo, prise sans doute un 11 novembre dans les années soixante, il porte l'habit du poilu de quatorze, ses décorations, les bandes molletières et il brandit son drapeau tricolore. Ce qui est remarquable, c'est sa posture quasi identique à celle du poilu du monument. Il se tient rès exactement là ou l'on s'attendrait à voir les officiels et les anciens combattants avec leurs drapeaux. Il devait penser, à juste titre, que nul n'aurait pu lui contester le droit d'être là."

Nous savons que cette scène se répétait dans tous les villages traversés. Si l'on ajoute le drapeau planté sur son bric-à-brac, ses décorations, ses passages réguliers à l'interieur d'un territoire qui était le sien et surtout le fait assez rare pour un routard d'échapper à l'anonymat, alors oui, il marchait pour témoigner.

"La dernière fois qu'il est venu... la dernière fois, je ne savais pas que c'était la dernière fois ! C'était sans doute dans les années soixante-dix. Je ne l'ai plus revu, je n'ai plus rien su de lui. A cet âge - il devait aller vers les quatre-vingts ans - ça devait être dur de tirer la carriole, de dormir dehors".

NDLR : Gabriel Capato est décédé le 23 mai 1981 à Mane (04) à l'âge de 89 ans.


 

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