Lorgues

L'agriculture

Extrait de " Lorgues Mémoire en Images". Tome II. Alain MARCEL . 2011

Au XVIIIe siècle Lorgues comptait  environ 5000 habitants, c’était l’un des gros bourgs du département, une de ces “villes pleines de paysans”  selon l’expression imagée de l’historien Maurice Agulhon. La triade : blé, oliviers, vigne régnait alors sur ses champs. En fait, cette polyculture, accompagnée d’un petit élevage, n’avait guère évolué depuis les Romains. Elle se pratiquait d’une manière mélangée : les rangées de vignes étaient très espacées créant ainsi de larges intervalles, les “oullières”. Dans ces dernières, on plantait généralement des oliviers au pied desquels on semait du blé ou d’autres cultures.  Cette pratique épuisait les sols mais, comme le disait Jean Aicard : «On avait sous les yeux, dans le même champ, tout ce qu’il faut pour vivre, le pain, le vin, l’huile » .
Au XIX e siècle, François Courdouan écrivait : «Bien qu’au Concours régional de 1864, la prime d’honneur et plusieurs médailles d’or aient été remportées par des propriétaires de Lorgues, l’agriculture, à quelques rares exceptions prés est telle qu’elle était, il y a un siècle.»
Pourtant, l’esprit de progrès existait à Lorgues à cette époque. La famille de Gasquet par exemple compta dans ses rangs plusieurs agronomes de renom. François-Henri de Gasquet (1774-1860), propriétaire du domaine de Saint-Louis est l’auteur de plusieurs mémoires, notamment sur la culture de l’olivier. Il en possédait près de 10 000 en 1820. Après lui, son fils Charles fut lauréat de nombreux concours agricoles et directeur de la ferme-école de Salgues. Créée en 1849, elle recevait des apprentis, pour deux ans, et formait des “chefs de cultures “ et des “petits cultivateurs”. Enfin, en 1890, l’EPS, École Primaire Supérieure, actuel lycée, ouvrit un cours d’Agriculture.
Mais les pratiques évoluaient très lentement et les innovations mettaient du temps à se propager. La règle était de produire  « de tout, un peu », le petit exploitant avait d’abord le souci d’assurer sa subsistance. Ces modestes propriétaires qui  étaient très majoritaires dans le département, devaient se contenter d’une faible part du sol, détenu essentiellement par de grands propriétaires. Mais Lorgues faisait un peu exception à cette règle, même si quelques beaux domaines, appartenant souvent à des familles issues de l’ancienne noblesse locale, existaient sur son territoire (Saint-Louis, les Crôtes, La Martinette, Mappe, Ste Foy ... ), les exploitations moyennes étaient nombreuses. Particularité qu’il convient de souligner car ces propriétés assuraient l’indépendance économique d’un grand nombre de “ménagers” lorguais (c’est ainsi qu’on appelait ces propriétaires exploitants). On trouvait aussi quelques métayers qui travaillaient la terre des autres et partageaient les récoltes avec eux, mais cette pratique aux résultats médiocres était peu répandue. Enfin, des ouvriers agricoles louaient leurs services comme journaliers ou comme salariés pour les plus chanceux. En 1869, l’agronome Gasquet fils qui avait bien conscience que le piétinement de l’agriculture varoise était d’ordre économique et social, publiait dans le bulletin de la société d’agriculture de Draguignan un article où il exposait la nécessité de pratiquer une culture intensive et donc nécessairement spécialisée. Il proposait aussi de créer un établissement qui assurerait les fonctions de “banque” et de “bazar” agricoles. Cette idée d’instaurer à la fois le crédit agricole et la coopérative relevait d’un esprit en avance sur son temps.
Son père était le chantre de l’olivier, lui souhaitait que le Var adopte la monoculture de la vigne :«Plus on concentre la production d’une denrée et plus le commerce viendra facilement l’y chercher, plus on augmente cette production, et plus on en assure le débouché. »
La monoculture de la vigne eut bien lieu et l’olivier fut le grand perdant.

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