Louis NARDIN découvreur de fonds.
Extrait de Vivre à Lorgues. Mars 99.Claude Derambure
et Gilles Hardouin
"C'est un parcours méconnu des plus nouveaux habitants :
dans les années cinquante-soixante, quand on voulait s'installer
à Lorgues, l'opportunité naissait fréquemment chez
Clément Cauvin, hôtelier du Parc. Il ne s'entremettait pas
mais il suggérait de rencontrer tel ou tel " propriétaire
", ainsi se nommaient eux-mêmes les agriculteurs agés,
possesseurs de biens fonciers. On avait ensuite les meilleures chances de
passer chez un notaire, Pierre Clavier ou Pierre-Alberic Viton..
L'improvisé documentaliste
La première vague de migrants urbains connut cet itinéraire
initiatique que complétait une audience municipale. Ainsi, Louis
Nardin, en 1968: " Une fois que j'ai été ici, comme toujours,
je suis allé voir le maire. ". Ensuite, avec son épouse
Geneviève, sur la suggestion d'André Négrel, premier
magistrat de 1965 à 1983, il fouille et entreprend de sauver les
archives communales. Progressivement, se met en oeuvre la démarche
d'inventorier et classer les écrits lorguais en mairie comme à
la paroisse. Lié avec le directeur des Archives départementales
du Var à Draguignan, le couple accède finalement à
des textes protégés.
Dés lors Louis Nardin bénéficia de ressources documentaires,
étendues et, pour les plus anciennes, peu exploitées depuis
François Courdouan : " Aprés que je les ai vues, j'ai
pensé qu'il faudrait faire l'histoire, les templiers, et tout ça...
"
L'enquêteur opiniâtre
Outre ses quatre livres, l'acte majeur de sa recherche est une formidable
collecte orale auprés des Lorguais. Imaginons un peu : colonel, ancien
d'Indochine et d'Algérie, huguenot... Graces à quelles qualités
put-il passer des seuils qui, pour bien d'autres, eussent été
d'infranchissables barrières culturelles ? Son avis traduit une utite
discrétion : " A cette époque, il y avait surtout des
Lorguais qui étaient des paysans, des gens bien mais simples. Je
n'ai pas trouvé de réticence. "
Pour accomplir son travail d'enquêteur, il s'appuie sur les réseaux
familiaux, professionnels, confessionnels ou laïcs, rnobilisant. "
pêres-curés " et lycéens, utilisant à l'occasion
1a radio libre de l'établissement scolaire... Lorgues étant
alors dépourvue de publications historiques et ethnographiques, le
désir le prit d'écrire un livre ; il occupa le terrain, jouant,
en ancien colonial, la carte du désert : " L 'absence de documentation
sur Lorgues cachait une richesse et j'ai écrit pour que soit connue
cette richesse. Pas pour moi ».
L'érudit comblé
Son passage à l'écriture fut une épreuve maîtrisée
: " Je n'avais jamais écrit sauf, à l'État, des
rapports et des directives." Ses matériaux étaient considérables.
D'une part il avait résumé le contenu des archives; d'autre
part, au retour d'entretiens oraux pendant lesquels il ne prenait pas de
notes, il écrivait et classait les informations retenues... Ainsi
fut-il confronté à un énorme stock de données
dont, à l'heure présente, tout n'est pas exploité.
" Lorgues, cité franche de Provence " , une somme, parut
à compte d'auteur en 1972, en 1000 exemplaires comme chacun de ses
"bouquins " . Copieuse récapitulation de thèmes,
ordonnant chronologiquement - de la préhistoire ligure à 1971
! -sa riche documentation d'archives et de témoignages oraux, l'ouvrage,
en Dracénie marqua son temps: " ça a eu un succés
que je n'attendais pas. Moi, ce qui m'inttéressait, c'était
de faire la chose ; je n'ai jamais été commerçant !
". Épuisé, le livre assure désormais le bonheur
ou l'anxièté des collectionneurs.
L'instigateur pluriel
Doté d'une forte personnalité, bénévole actif
et chercheur autodidacte, Louis Nardin est un symbole d 'intégration
réussie .
A Lorgues, jusqu'à ce qu'une véritable politique publique
du patrimoine soit mise en oeuvre par la municipalité, son emprise
sur la réhabilitation des monuments fut incontestable. Certes, il
n'opéra pas seul. Mais son impact frappe les mémoires et s'inscrit
dans la pierre, ce qui est plus durable.
Ainsi , avec son épouse et avec ces bénévoles dont
V.A.L cultive la considération, il intervint de manière décisive
pour la restauration de six chapelles ( ND de Florièyes, Sainte-Anne,
Saint-François, Saint-Honorat, Saint-Jaume, Saint-Jean-Baptiste),
il milita pour la remise en place d'anciens noms des rues de la vieille
ville, il suscita la rénovation des ex-voto de la chapelle de Saint-Ferréol,
etc. ; ainsi avec notamment, Roger Hours, il fonda le groupe de maintenance
Lou Ginestoun; ainsi avec la communauté paroissiale, il promut la
crèche vivante de Noël ; ainsi , il est l'un des animateurs
de la communauté protestante...
Né en octobre 1907 à Besançon, Louis Nardin a probablement
conquis à Lorgues plus de place qu'il n'en espérait à
l'arrivée de son couple.
Il faut dire que beaucoup était à faire. Constatons aussi
que bien des choses ont été faites, et encore que nombreuses
et opportunes ont été les initiatives. Mais, car tant reste
à faire, souhaitons à voix haute et claire que Geneviève
et Louis Nardin aient fait des émules ! "
Nota: Lorgues Cité Franche de Provence a connu depuis, deux
rééditions dont en 2000 en reprint ( numérisation
des pages du livre ) aux Éditions
Parpaillon (Gonfaron). |