Lorgues

Extrait de "LORGUES Le Temps Retrouvé" . Alain MARCEL . Editions Equinoxe. 2017

C’est au travers de la correspondance échangée entre les consuls des deux communes que l’on voit le mieux que cette tradition d’entraide et d’amitié fut encore très présente durant ce fléau et que les Lorguais ne faillirent pas dans leur générosité et leur fidélité vis-à-vis de la ville amie.

Le 13 février 1721, le conseil de ville de Lorgues, sur le rapport des consuls « que Toulon se trouve attaqué de la contagion, que la viande y est d'une cherté extraordinaire, n'en pouvant même pas avoir avec de l'argent, et que c'est une occasion favorable pour témoigner à ses habitants notre reconnaissance, en considération des services et des honnêtetés que nous avons reçus de tout temps de la part de cette communauté», décida à l'unanimité « qu'il sera cherché de deux à trois cents moutons et quelques boeufs pour faire conduire aux barrières de Toulon ».Tous les bestiaux de boucherie qu'on put se procurer furent conduits à la barrière du pont de Réganas, entre la Valette et la Farlède, et de là amenés à Toulon.  Jean d'Antrechaus écrivit à ce propos une lettre aux consuls de Lorgues, dans laquelle il leur disait : « Dans les temps tranquilles comme dans les plus malheureux, nous avons reçu les mêmes marques de votre souvenir et de votre amitié. Nos prédécesseurs nous en ont fourni des mémoires ; nous avons la consolation de les lire et d'y ajouter tous les jours de nouveaux bienfaits de votre part, monuments assez authentiques pour que la postérité ne les oublie jamais... En vérité, Messieurs, c'est les yeux pleins de larmes que nous vous en témoignons toute notre reconnaissance. Personne, dans notre malheur, ne nous a donné signe de vie que MM. Les consuls de Lorgues, et nous vous protestons qu’il semble que la cour et la province se reposent sur votre bon cœur. »

Un des plus grands soucis du consul d'Antrechaus était d'approvisionner sa ville. Les moulins ne pouvant plus travailler faute d’ouvriers, Toulon manqua de farine. Il en fit part aux consuls de Lorgues, qui firent aussitôt tourner leurs moulins et lui écrivirent : « Chaque habitant s’empresse d’apporter son contingent de blé aux moulins de la communauté et tel fut le zèle que chacun mit à secourir les bons amis de Toulon que les consuls de Lorgues durent interposer leur autorité pour empêcher les chefs de famille d’appauvrir trop leurs ménages en envoyant aux Toulonnais toutes les provisions qu’ils possédaient en farine, bestiaux, en vin, en huile. »
Lorsque la peste s’éteignit enfin Jean d'Antrechaus écrivit à ses collègues lorguais : « Vous nous rendrez cette justice que c’est pour ne pas vous affliger que nous ne vous avons pas fait part de toute l’horreur de nos maux ; combien vous aurait fait frémir le détail affreux qu’il aurait fallu vous faire ! La mort nous a ravi plus de la moitié de nos habitants…Ceux que le Seigneur a conservés ne peuvent se rappeler les malheurs de cette ville sans se rappeler les bontés et les marques d’affection dont vous lui avez donné les témoignages. C’est le temps, Messieurs, de rompre notre silence et de vous remercier … »
Une fois tout danger passé le conseil de Toulon voulut remercier Lorgues par une démarche solennelle et envoya une députation le 27 octobre 1722. Elle fut reçue en grande pompe et trois jours de réjouissances publiques, de bals, et de cérémonies officielles se succédèrent.

 


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